Une culture de sécurité durable concerne tout le monde.

Très récemment, j’ai été bouleversé par les propos d’un cadre dirigeant supérieur d’une entreprise portuaire que j’ai entendu dire que “la sécurité doit avant toutfaire partie de l’ADN du personnel opérationnel, car les membres du comité de direction ont d’autres choses à faire…”. Faux, faux et encore faux !

En matière de culture de sécurité, de nombreuses organisations ont tendance à se replier sur les collaborateurs et les responsables directs sur le terrain. Après tout, c’est là où ont lieu les activités opérationnelles et que la plupart des accidents du travail surviennent. Du moins, c’est la façon de penser.

Mais si nous abordons le sujet de la culture de sécurité plus en profondeur, nous ne pouvons qu’en conclure que tout tourne autour de la question du nombre de personnes – dans toute l’organisation – qui s’approprient vraiment la sécurité. Et ce, quel que soit leur fonction, leurs tâches et/ou responsabilités.

Mais ce n’est pas tout : ce raisonnement fait complètement abstraction du principe d’une organisation comme étant un collectif avec une propre identité, de propres valeurs, normes et une propre culture d’entreprise. Au sein d’un tel collectif, chacun s’influence mutuellement. Surtout sur le plan de la sécurité.

Soyons clairs : une culture de sécurité forte ne peut exister que grâce au rôle spécifique que joue chacun, sans exception. Un bref aperçu le montre clairement.

La direction et les cadres supérieurs

En tant que véritables instigateurs de la sécurité, on peut supposer que la direction et les cadres supérieurs sont proactivement régulièrement présent sur le lieu de travail.

Il devrait être évident que ce groupe de fonction refuse toute concession en termes de sécurité, que ce soit ou non dans l’intérêt des résultats de la production. À tel point même qu’ils doivent répondre pleinement à toute demande significative de ressources et de soutien en matière de sécurité.

Le personnel d’encadrement

Indépendamment du fait que, d’un point de vue juridique, le personnel d’encadrement assume la responsabilité finale en matière de sécurité sur le lieu de travail, on peut aussi supposer que ce groupe joue en premier lieu un rôle exemplaire. En tant que véritables ambassadeurs de la sécurité, nous pouvons attendre d’eux qu’ils coachent leurs supérieurs directs dans leur gestion du bon comportement de sécurité sur le lieu de travail.

De cette manière, les responsables directs auront plus confiance à tenir la hiérarchie au courant d’éventuels problèmes liés à la sécurité. Le fait que les cadrescréent les conditions préalables dont ont besoin les chefs d’équipe pour pouvoir relevereux-mêmes le défi de la sécurité est un premier pas vers une prise en charge collective de la sécurité.

Les responsabele directs

Ce groupe est trop souvent sous-estimé, y compris dans le domaine de la sécurité au travail. Les responsables directs devraient transformer chaque réunion sur la sécurité en un moment d’apprentissage inspirant et ils devraient encourager les membres de leur équipe à signaler immédiatement toute situation dangereuse.

Ils sont les premiers à pouvoir donner un retour direct sur le comportement de leurs collaborateurs en matière de sécurité. De cette façon, il est possible de travailler en permanence sur le développement, le changement et l’influence des comportements.

Les collaborateurs opérationnels

Une culture de sécurité forte ne peut exister que grâce à une contribution active des collaborateurs opérationnels qui font beaucoup plus qu’uniquement la subir. On peut attendre de ce groupe de fonction qu’il veille en premier lieu à sa propre sécurité, mais aussi à celle de ses collègues. Cela veut aussi dire que ces collaborateurs ne peuvent pas fermer les yeux et qu’ils doivent immédiatement réagir lorsqu’une situation dangereuse se manifeste.

Ils doivent également signaler ces situations et formuler des améliorations.

Et nous n’avons pas encore terminé.

Qu’en est-il de ces groupes-là?

Vos employés de bureau

“Ils n’ont rien à voir avec la sécurité au travail”. On entend ces mots malheureusement tropsouvent. Ils sont aussi souvent les premiers à lesprononcer. Mais rien de plus faux.

La sécurité et la santé au travail sont aussi manifestement au bureau d’actualité, d’autant plus que la plupartd’accidents de travail sont causés par les risques ergonomiques ou les chutes et trébuchements. Les employés de bureau ont donc également un rôle d’ambassadeur à jouer, notamment vis-à-vis des clients, des visiteurs ou d’autres parties externes.

Les sous-traitants

On peut et on doit attendre de ce groupe qu’il apporte une valeur ajoutée à votre culture de sécurité, et non qu’il la dévalorise. C’est une question de faire valoir, et ce dès le moment de la négociation du contrat.

Vous le remarquez: une forte culture de la sécurité n’existe que pour et que grâce à toutes les parties concernées. Aucun groupe de fonction interne ou externe ne peut y échapper.

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Une culture de la sécurité de niveau mondial: une bonne idée, mais est-ce réaliste?

Une direction se surestime assez souvent lorsqu’elle formule lors de réunions ses ambitions relatives à la culture de sécurité. Il suffit de lancer l’expression “culture de sécurité de niveau mondial” et en un rien de temps, un consensus sur le niveau d’ambition de sa propre organisation est adopté, à réaliser de préférence dans un délai de deux à trois ans …

Restons les pieds sur terre.

Tout d’abord, qu’entendons-nous par “culture de sécurité de niveau mondial”?

Partons du principe de “culture de sécurité”.

Nous sommes tous d’accord à ce sujet-là : à l’instar de la déclaration bien connue de Deal & Kennedy concernant la culture d’entreprise (“The way we do things around here”), la culture de sécurité peut être simplement décrite comme “la façon dont votre organisation aborde la sécurité au travail”.

A partir de quand peut-on parler d’une culture de sécurité ordinaire et à partir de quand a-t-on une culture de sécurité de niveau mondial ?

La réponse est simple : à partir du nombre de niveaux hiérarchiques et du nombre de collaborateurs de ces niveaux qui vont de l’avant. Par “aller de l’avant”, nous entendons : s’approprier la sécurité à tout moment. En d’autres termes : le nombre de collaborateurs, dans toute l’organisation, qui se sentent responsables non pas seulement que pour leur propre sécurité, mais aussi pour celle des collègues, entrepreneurs, fournisseurs et/ou visiteurs. Et cette responsabilité n’est pas rejetée sur “l’organisation”.

Quelques caractéristiques qui affinent l’idée:

Dans ce type d’organisations dites “à haute fiabilité” …

  • tout le monde souligne l’importance de la sécurité
  • tout le monde reste en alerte et s’attend à tout moment à l’inattendu
  • chacun sait toujours parfaitement ce que l’on attend de lui
  • tout le monde est toujours ouvert à de nouvelles idées
  • chaque collaborateur veut faire la différence
  • Les collaborateurs estiment que leur propre comportement est la norme à ce niveau-là.
  • tous les collaborateurs veillent spontanément à la santé et à la sécurité des autres

Les cadres en particulier …

  • ne se limitent pas à gérer que les opérations, mais font preuve d’un leadership authentique
  • considèrent les attitudes et les comportements des collaborateurs comme le reflet de leur propre leadership

“Ben, alors, on n’a qu’à le faire, non?”, dit-on lorsde réunions de direction.

On aurait bien voulu… Mais de telles déclarations irréfléchies de la part des membres du conseil d’administration et/ou des cadres supérieurs font complètement preuve d’ignorance des particularités du cerveau humain et de la façon dont les comportements se produisent.

Pourquoi en est-il ainsi?

En général, ils se reposent inconsciemment sur la théorie, classique mais aujourd’hui largement dépassée, qui part du principe que les employés décident d’adopter un certain comportement suite à une réflexion bien réfléchie pesant les pour et les contre. Ils supposent dès lors que ces choix, qu’ils soient ou non formalisés dans une procédure ou une instruction de travail, peuvent se traduire facilement enun comportement de sécurité perceptible.

Si tel est vraiment le cas, cela signifierait que chaque employé de l’organisation dépendrait en permanence de la partie cognitive de son cerveau, demandant beaucoup d’énergie, pour toutes ses décisions comportementales. Ce qu’aucun être humain est capable de faire. La recherche démontre aujourd’hui que la partie émotionnelle du cerveau, “qui demande peu d’énergie”, règle 95 % du comportement humain (par exemple Kahneman, Thaler, Cialdinni).

Nous sommes en guise de conclusion d’accord : une culture de sécurité de niveau mondial équivaut à un drapeau planté au sommet de la plus haute montagne. Un objectif et un statut que l’on “espère atteindre un jour” mais dont on sait dès le départ qu’on restera toujours en cours de route, travaillant sans cesse au développement continu d’une appropriation collective (de la sécurité) à tous les niveaux de l’organisation.

Willy J. Wastyn

Conseiller scientifique et conceptuel

[2019 – à la demande de StepStones for Safety® ]

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