Une culture de la sécurité de niveau mondial: une bonne idée, mais est-ce réaliste?

Une direction se surestime assez souvent lorsqu’elle formule lors de réunions ses ambitions relatives à la culture de sécurité. Il suffit de lancer l’expression “culture de sécurité de niveau mondial” et en un rien de temps, un consensus sur le niveau d’ambition de sa propre organisation est adopté, à réaliser de préférence dans un délai de deux à trois ans …

Restons les pieds sur terre.

Tout d’abord, qu’entendons-nous par “culture de sécurité de niveau mondial”?

Partons du principe de “culture de sécurité”.

Nous sommes tous d’accord à ce sujet-là : à l’instar de la déclaration bien connue de Deal & Kennedy concernant la culture d’entreprise (“The way we do things around here”), la culture de sécurité peut être simplement décrite comme “la façon dont votre organisation aborde la sécurité au travail”.

A partir de quand peut-on parler d’une culture de sécurité ordinaire et à partir de quand a-t-on une culture de sécurité de niveau mondial ?

La réponse est simple : à partir du nombre de niveaux hiérarchiques et du nombre de collaborateurs de ces niveaux qui vont de l’avant. Par “aller de l’avant”, nous entendons : s’approprier la sécurité à tout moment. En d’autres termes : le nombre de collaborateurs, dans toute l’organisation, qui se sentent responsables non pas seulement que pour leur propre sécurité, mais aussi pour celle des collègues, entrepreneurs, fournisseurs et/ou visiteurs. Et cette responsabilité n’est pas rejetée sur “l’organisation”.

Quelques caractéristiques qui affinent l’idée:

Dans ce type d’organisations dites “à haute fiabilité” …

  • tout le monde souligne l’importance de la sécurité
  • tout le monde reste en alerte et s’attend à tout moment à l’inattendu
  • chacun sait toujours parfaitement ce que l’on attend de lui
  • tout le monde est toujours ouvert à de nouvelles idées
  • chaque collaborateur veut faire la différence
  • Les collaborateurs estiment que leur propre comportement est la norme à ce niveau-là.
  • tous les collaborateurs veillent spontanément à la santé et à la sécurité des autres

Les cadres en particulier …

  • ne se limitent pas à gérer que les opérations, mais font preuve d’un leadership authentique
  • considèrent les attitudes et les comportements des collaborateurs comme le reflet de leur propre leadership

“Ben, alors, on n’a qu’à le faire, non?”, dit-on lorsde réunions de direction.

On aurait bien voulu… Mais de telles déclarations irréfléchies de la part des membres du conseil d’administration et/ou des cadres supérieurs font complètement preuve d’ignorance des particularités du cerveau humain et de la façon dont les comportements se produisent.

Pourquoi en est-il ainsi?

En général, ils se reposent inconsciemment sur la théorie, classique mais aujourd’hui largement dépassée, qui part du principe que les employés décident d’adopter un certain comportement suite à une réflexion bien réfléchie pesant les pour et les contre. Ils supposent dès lors que ces choix, qu’ils soient ou non formalisés dans une procédure ou une instruction de travail, peuvent se traduire facilement enun comportement de sécurité perceptible.

Si tel est vraiment le cas, cela signifierait que chaque employé de l’organisation dépendrait en permanence de la partie cognitive de son cerveau, demandant beaucoup d’énergie, pour toutes ses décisions comportementales. Ce qu’aucun être humain est capable de faire. La recherche démontre aujourd’hui que la partie émotionnelle du cerveau, “qui demande peu d’énergie”, règle 95 % du comportement humain (par exemple Kahneman, Thaler, Cialdinni).

Nous sommes en guise de conclusion d’accord : une culture de sécurité de niveau mondial équivaut à un drapeau planté au sommet de la plus haute montagne. Un objectif et un statut que l’on “espère atteindre un jour” mais dont on sait dès le départ qu’on restera toujours en cours de route, travaillant sans cesse au développement continu d’une appropriation collective (de la sécurité) à tous les niveaux de l’organisation.

Willy J. Wastyn

Conseiller scientifique et conceptuel

[2019 – à la demande de StepStones for Safety® ]

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